Femme et sports : des stéréotypes qui perdurent au Sénégal

« Une fille avec un short et des godasses n’est pas toujours bien vue » : le propos est de Mada Tounkara, une footballeuse sénégalaise de 28 ans évoluant en France, notamment au FCBL (Football Club Bords de Loire). Cette femme, mariée sans enfant, a déjà été victime de moqueries en raison de sa profession.

Ces stéréotypes sur les femmes sportives pourraient sont liées à de nombreux facteurs..

Pour la gardienne de but camerounaise, Erika Marie Carla Kouassi, membre de l’équipe féminine Dakar Sacrées Queens, « il est impossible de jouer au football en jupe », alors que dans le monde la tenue vestimentaire a souvent été utilisée pour différencier hommes et femmes.

Elle se souvient encore de l’injure d’une femme qu’elle avait reçue à l’âge de 11 ans alors qu’elle s’entraînait en maillot bleu et crampons noirs assortis de chaussettes de la même couleur sur la pelouse. « Une femme m’a dit un jour qu’elle aurait voulu avorter si elle avait une fille joueuse de football ».

Aujourd’hui encore, ce type de préjugés persistent dans le monde du sport, déplore la Camerounaise, qui regrette le manque de compréhension et d’ouverture chez les Africains.

Certains Sénégalais ont une conception discriminatoire du rôle des femmes dans les sports exigeant de la force, de la vitesse, de l’endurance et de l’agressivité.

« Je n’aime pas voir des femmes pratiquer le rugby ou le football. Cela ne correspond même pas à la réalité sénégalaise. Ces sports demandent de la brutalité alors qu’une femme doit être douce, sensible et féminine » tranche sans gêne Abdou Khadre Thiam, un jeune tailleur pour qui « la pratique de ces sports peut même altérer la morphologie d’une femme. Je ne pourrais pas me marier avec une femme plus musclée que moi », affirme

Ces propos révèlent la persistance des stéréotypes de genre dans la société sénégalaise, qui limitent la participation des femmes dans des activités considérées comme masculines. Pourtant, la pratique d’un sport est fortement recommandée par les professionnels de la santé pour maintenir une bonne condition physique, indépendamment du genre.

Même chez certaines jeunes femmes, ces stéréotypes sont souvent répétées.  Diaminatou Datt, jeune étudiante, considère le rugby comme « trop barbare » ou « trop masculin » pour les femmes.

Le point de vue de monsieur Thiam et de Diaminatou Datt illustre les préjugés tenaces sur la pratique du sport chez les femmes, en particulier en ce qui concerne des sports comme le rugby.  Ndeye Marième Thiombane, quant à elle, souligne les difficultés rencontrées par les femmes pour pratiquer le rugby en raison des critiques et de l’acceptation sociale limitée.

Ces stéréotypes sont le résultat de phénomènes socioculturels qui valorisent une certaine image de la femme, supposée toujours être « douce ».

« Les femmes sportives qui ont des épaules développées ne correspondent pas à cette image, ce qui peut impacter négativement leur acceptation sociale », souligne la sociologue Selly Ba, spécialisée sur les questions de genre. Elle explique que ces préjugés peuvent avoir des impacts sur ces femmes joueuses qui sont souvent traitées de « garçons manqués ». Ce qui est une sorte de de discrimination.

Selon la sociologue, la société sénégalaise a une image bien précise de la féminité, de la beauté et du corps de la femme, qui ne correspond pas à celui d’une femme sportive musclée.

« Cette pression pèse lourdement sur les femmes et peut les amener à abandonner leur passion pour rentrer dans les normes sociales », affirme-t-elle.

Les sportives sénégalaises, en particulier celles qui pratiquent des sports considérés comme « masculins » tels que le rugby, sont confrontées à une forte pression socioculturelle qui les empêche de réaliser leur rêve.

Selon Selly Ba, les critiques sur les femmes joueuses ne sont pas justifiés et peuvent être surmontés avec une plus grande compréhension et une plus grande ouverture d’esprit.

Fatime Faye, membre du Forum féministe sénégalais, encourage toutes les femmes à faire du sport leur métier si elles le souhaitent, tout en rappelant l’existence de groupes de soutien et d’influenceuses sénégalaises qui peuvent les aider en cas de discrimination ou d’agression.

Les stéréotypes et les préjugés sur les femmes dans le sport ne sont pas spécifiques au Sénégal, mais sont un phénomène mondial. Cependant, pour les militantes féministes, cela ne devrait pas empêcher les femmes de réaliser leur passion et de poursuivre leur rêve sportif, quel qu’il soit.

Younouss Bathily L3, Mariama Guelewar Ndao L3, Salimata Maiga L3